L’ail des bois
L’ail des bois (Allium tricoccum)
Par Diane Barriault
Au printemps, peu après la fonte des neiges, la litière forestière est d’un brun uniforme. Si la chance vous sourit, peut-être pourrez-vous apercevoir quelques taches de vert tendre se pointer. Il est probable que ce soit de l’ail des bois. Cette plante forestière dont les populations ont été décimées par la cueillette à des fins culinaires survit tant bien que mal dans notre région en groupes de quelques individus.
L’ail des bois est considéré comme une plante printanière éphémère, car ses feuilles disparaissent quelques semaines après la sortie des feuilles des érables, sous lesquels elle pousse. Durant cinq à six semaines, au printemps l’ail des bois accumule les réserves dans son bulbe, par photosynthèse. Par la suite, les feuilles fanent et seuls quelques rares individus, assez matures, produiront des fleurs en juillet puis des fruits en septembre.
L’ail des bois possède d’une à trois feuilles lancéolées à nervures parallèles. Leur nombre et leur surface dépendent de l’âge de la plante ou, plus exactement, des réserves qu’elle a accumulées dans son bulbe au cours des années. Chez la variété « tricoccum », la base des feuilles est enveloppée d’une gaine rouge bien visible tôt après l’émergence de la plante. Une autre variété moins fréquente, « burdikii », ne présente pas cette coloration.
Les fleurs de l’ail des bois sont regroupées en une ombelle à l’extrémité d’un long pédoncule. Ce sont de petites fleurs blanches à six tépales. La plupart des tiges florales meurent avant de produire des graines et il est rare d’obtenir une floraison deux années consécutives. Le fruit est une capsule sèche à trois loges contenant chacune une graine noire et ridée, un peu plus petite qu’un raisin de Corinthe séché.
Les graines persistent parfois assez longtemps dans la loge ouverte. Tombées au sol, elles resteront en dormance au moins jusqu’à l’automne suivant, formant alors un petit bulbe et quelques racines seulement. Ce n’est que le printemps subséquent que la graine produira une feuille de la taille d’un brin d’herbe. Le taux de mortalité des jeunes plantes durant leurs premières années de vie est très élevé. Les plantules qui survivront peuvent mettre facilement une dizaine d’années avant d’atteindre une taille suffisante pour fleurir.
L’ail des bois se reproduit par graines, mais, plus efficacement de façon végétative, par division de son bulbe. La floraison lève la dormance qui empêche cette division. Les deux bulbes restent attachés l’un à l’autre quelques années (5 à 9 ans) par un court rhizome qui porte les racines. Les Amérindiens qui cueillaient l’ail des bois détachaient le bulbe du rhizome et replantaient celui-ci pour faciliter la régénération de la plante.
Selon une étude réalisée en 1994-1995, il y avait dans tout le Québec, 150 populations d’ail des bois, dont 25 % comptaient moins de 1000 individus, c’est-à-dire le nombre minimum pour assurer leur survie à long terme. Si, aujourd’hui, il reste encore 13 grosses populations de plus d’un million d’individus, seulement deux se trouvent en territoire protégé.
L’ail des bois bénéficie d’une protection légale au Québec depuis 1995. La cueillette à des fins commerciales est totalement interdite. Une personne peut cueillir à des fins personnelles un maximum de 50 bulbes par année. Mais il faut se rappeler que si ces 50 bulbes représentent plus de 5% du total des individus dans une colonie, leur cueillette met sérieusement en danger la survie de la population. Les feuilles ont aussi le même goût que les bulbes. Prélever une feuille d’ail des bois à la fin de sa période de croissance en juin et la goûter fraiche ou l’ajouter à vos salades pourrait satisfaire votre curiosité tout en préservant l’espèce.
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